Les Anglais ont été parmi les plus grands amateurs de café : la boisson est apparue à Oxford dès 1650, grâce à un étudiant turc. Dans les « maisons de café », on pouvait aussi boire du thé ou louer une pipe pour fumer du tabac – on comptait plus de 3.000 de ces établissements en Angleterre en 1675 ! Lieux de rencontre des intellectuels, des politiciens mais aussi de la classe ouvrière, ces cafés étaient alors extrêmement en vogue (mais interdits aux femmes !). Jusqu’à ce que le thé prenne le dessus…
Un peu de moutarde ?
Pourquoi les Anglais ont-ils subitement délaissé le café pour le thé, au milieu du 19ème siècle ? Peut-être parce que les aristocrates ne voulaient plus se mélanger au « peuple » dans les coffee shops. Peut-être parce que le flegme britannique s’accommodait davantage d’une tasse de thé au coin du feu que d’un expresso nettement plus excitant. Sans doute parce que la Compagnie des Indes Orientales, leur principal fournisseur de café, préféra importer du thé. Et à coup sûr parce qu’ils préparaient bizarrement leurs Moments Café : le café était systématiquement bouilli et servi non pas avec du sucre… mais avec de la moutarde ! Dans ces conditions, continuer à en boire eut été héroïque…
Continental breakfast
Si les Britanniques ne consomment que 2,3 kg de café par an et par habitant (et à 80% sous forme soluble, ceci expliquant cela…), en revanche ils sont les rois du thé, avec un minimum de 2.000 tasses par an et par personne ! Peu amateurs d’expressos, certains apprécient néanmoins un café au lait (très délayé) pour le petit-déjeuner. Ah, le breakfast anglais… L’un des deux grands moments gourmands de leur journée, avec le tea time de 17h. Œufs, jambons, haricots, saucisses, poisson fumé, toasts, céréales (et un grand mug de thé bien noir, comme le Blue Breakfast, le Yunnan ou le Ceylan Radella de Café Privilège) le matin. Mais attention : on ne plaisante pas avec la présentation du plateau du petit-déjeuner. Selon un célèbre majordome anglais, James de Coquet, « la tasse doit occuper l’angle avant droit, (…) la théière à l’arrière. A leur gauche, le beurrier et le confiturier. A l’extrême gauche, le pot au lait ou le porte-citron, le sucrier et le pot d’eau bouillante. Et sous la tasse à thé, une petite assiette pour beurrer et garnir vos tartines ». So chic !
Five o’clock tea
Encore plus raffiné, le five o’clock tea, plus raffiné, s’accompagne de muffins, scones, cakes et petits sandwichs au concombre – c’est l’heure où l’on savoure un thé plus parfumé et plus original, par exemple le Prince Dharma (légèrement anisé et épicé), le Darjeeling Makaïbari (aux fruits noirs) ou bien sûr le traditionnel Royal Earl Grey. On raconte que cette tradition du five o’clock tea a été initiée par la duchesse de Bedford (1788-1861) : souffrant toujours d’un petit creux l’après-midi, elle prit l’habitude d’inviter ses amis à prendre le thé vers 17h. – ces rendez-vous gourmands eurent tant de succès qu’ils devinrent au fil des ans l’une des caractéristiques principales de la vie quotidienne britannique. En règle générale, la première théière était jadis préparée dans la cuisine puis apportée à la maîtresse de maison qui conversait dans le salon avec ses invités. Le thé contenu dans le premier récipient était ensuite versé dans une seconde théière en argent, posée au-dessus d’une petite flamme, permettant de le garder bien chaud. Et pour un Moment Café ou Thé so british, faites comme Elisabeth II le jour de son couronnement : exigez avec une tasse de votre boisson préférée, le numéro du Times du jour !